jueves, 14 de junio de 2018

L'éducation comme moteur de progrès

Auteur : Prisca Nazama.
(Texte publié en espagnol dans la revue Misión Bangassou nº9)

L’éducation est une action par laquelle les êtres humains développent leurs connaissances et leurs valeurs morales, physiques et intellectuelles essentielles pour atteindre un niveau de culture. Elle permet aux jeunes générations de prendre des dispositions pour accomplir des actes moraux, sociaux et de transmettre d’une génération à l’autre la culture nécessaire au développement de la personnalité et l’intégration sociale de l’individu. C’est dans ce contexte que je pars de mon expérience personnelle pour vous parler de l’importance de l’éducation comme moteur du progrès d’un être humain.
Certains lycées de Bakouma étudiant à Bangassou (2007)


Je suis née à Bakouma, une ville située à 130Km de Bangassou et à 900 km de Bangui. C’est là que j’ai passé une bonne partie de mon enfance. Dans cette ville il n’y avait à l’époque qu’une seule école primaire publique qui accueillait les élèves de Bakouma et les villages environnants. Et c’est là que j’avais commencé mes études primaires. Pendant longtemps, les jeunes de Bakouma et des villages au tour dont je fais partie n’avaient pas la possibilité de bénéficier d’une éducation consistante pour acquérir de connaissances nécessaires pour leur épanouissement. Cela était dû à plusieurs raisons : La surpopulation dans les classes, le manque des moyens matériels et didactiques de la part des enseignants, le manque d’enseignants qualifiés, les arriérés des salaires des fonctionnaires, le manque d’encadrement adéquat et le manque d’environnement pour une bonne éducation. En plus, notre système éducatif avait une limite du fait que les élèves devraient  arrêter les études après le Certificat d’Etude Primaire. Après c’était un dilemme pour les familles et les élèves qui devaient choisir entre aller à Bangassou pour continuer au lycée moderne ou rester au village pour débuter d’autres activités comme par exemple cultiver la terre ou faire les différents trafics à vélo. 
Pour ceux qui voulaient continuer au lycée moderne de Bangassou, leurs parents devaient au préalable trouver une famille d’accueil où allait résider l’enfant et un tuteur pour l’encadrer.  C’est ici où tout se compliquait ; Certains parents de ne trouvaient pas de famille d’accueil. D’autres étaient obligées de prendre une maison de location pour un enfant encore mineur.
Une fois arrivé à Bangassou, l’enfant se retrouvait devant une série d’obstacles : les difficultés d’adaptation, d’alimentation, l’éloignement etc. Tout cela affectait le résultat scolaire de l’élève et l’obligeait à retourner au village avant de terminer les études. Pour les filles, il y avait une difficulté de plus : à cause de la pauvreté et du manque d’accompagnement, elles tombaient facilement dans les filets des prédateurs et se retrouvaient avec une grossesse en bas âge.
Après avoir eu mon Certificat d’Etude Primaire et le concours d’entrée à l’école secondaire, mes parents ont décidé de m’envoyer à Bangassou pour continuer au Lycée Moderne. Dans un premier temps, ils ont d’abord hésité parce  qu’ils n’avaient jamais vu un bon résultat de ceux qui avaient fait l’expérience avant moi. Mais finalement, voyant que moi-aussi j’insistais, ils étaient obligés de me laisser partir à Bangassou. J’étais l’unique enfant de la famille qui avait l’envie de poursuivre les études. Tous mes frères et sœurs avaient terminé l’école primaire à Bakouma et étaient restés à la maison. C’est ainsi que je suis arrivée Bangassou pour la classe de 6ème et je dormais chez un tuteur.
Dès la première année, j’avais passé une très mauvaise expérience comme mes prédécesseurs et j’avais repris la classe de 6ème. Déçue de mes résultats, j’étais rentrée à Bakouma pour les grandes vacances avec l’intention de revenir à Bangassou pour refaire la classe. C’est à moment là que j’ai rencontré l’abbé Gaëtan KABASHA, curé de la paroisse Saint André de Bakouma nouvellement installé, qui m’a proposé une inscription au collège St Pierre Claver, une école catholique. Nous étions deux filles. Mais l’autre avait refusé la proposition. L’idée était de changer l’institution et refaire l’année pour démarrer sur les bases solides. A la rentrée scolaire j’étais revenue à Bangassou mais cette fois si inscrite au collège St Pierre Claver. Tout était différent : la régularité, le suivi, l’encadrement, la discipline, la rigueur etc. A la fin de l’année j’étais rentrée à Bakouma pour les grandes vacances cette fois si avec un bon résultat. J’étais admise en classe de 5ème. Je suis allais montrer mes résultats à mon curé et j’en ai profité pour lui parler de mes conditions de vie difficiles chez mon tuteur à Bangassou.
L'abbé Gaétan, Prisca et autres filles en formation (2010).

Content de mon résultat, l’abbé Gaëtan et les sœurs Franciscaines du Saint Esprit ont proposé à Mgr Juan José AGUIRRE de m’inscrire au foyer des filles en difficultés, prises en charge par le Diocèse de Bangassou. Là, il y avait un meilleur suivi et un bon environnement pour étudier. Je suis restée deux ans jusqu’en classe de 3ème  et j’ai eu mon Brevet de Collège. Nous étions les premières générations de l’école Saint Pierre Claver et le bâtiment du second cycle était encore en construction. Il était donc impossible de faire le second cycle sur place.  C’est ainsi que l’abbé Gaétan avait pris la décision de m’envoyer au foyer des religieuses appelées  Petites Sœurs à Bangui puis à Bossangoa pour le second cycle. Là,  j’avais eu mon Baccalauréat avec succès au premier tour. Quand je suis rentrée à Bakouma, c’était la fête au village. J’étais la première fille de Bakouma à avoir le Baccalauréat. Ce fut une joie immense pour moi, pour mes parents et pour tout le village. L’autre fille qui n’avait pas accepté l’inscription dans l’école catholique avait fini par abandonner et était déjà mère de plusieurs enfants.
A ce moment, Mgr Juan José AGUIRRE fit une tournée à Bakouma avec son neveux PABLO et sa femme (un couple espagnol). J’en ai profité pour lui présenter ma lettre de remerciement et lui parler de mon intention de continuer à l’université.  Sous la demande de l’évêque, PABLO a accepté de prendre en charge mes études à l’université. Je suis revenue à Bangui pour continuer à la Haute Ecole de Gestion et de Comptabilité. 4 ans après j’ai eu ma maîtrise en Finance Banque et je suis rentrée à Bangassou à la demande de Mgr Juan José AGUIRRE pour gérer l’hôpital de BANGONDE où je travaille actuellement.
Mon expérience illustre bien la nécessité de l’éducation pour le développement. Grâce à l’Eglise catholique, j’ai pu bénéficier de l’enseignement bien organisé et sortir ainsi du cercle fermé de la pauvreté qui touche la plupart des jeunes de notre pays.
Je suis très fière du travail initié par l’abbé Gaëtan, curé de la paroisse St André de Bakouma à l’époque et soutenu par Mgr Juan José AGUIRRE. Aujourd’hui nous avons une école primaire et un collège privé catholique à Bakouma. Les premières générations du collège sont arrivées en classe de 3ème qui marque la fin de premier cycle et devraient présenter leur Brevet de Collège cette année. Malheureusement, la guerre et l’insécurité paralysent toute activité et empêchent aux élèves de faire leur diplôme. Avant ces écoles, tout était compliqué. Il était difficile d’évoluer.
Grâce à mon itinéraire et aux résultats concrets dans la vie quotidienne, beaucoup de jeunes à Bakouma ont pris conscience de l’importance des études. Aujourd’hui, on peut compter une dizaine de bacheliers issus du milieu.  Grâce à l’école catholique et aux exemples concrets, les filles savent maintenant qu’elles peuvent aussi aller loin et participer au progrès du pays. Petit à petit, les gens commencent à comprendre qu’une fille n’est pas faite seulement pour former le foyer et avoir des enfants ; elle peut aussi avoir des diplômes et occuper des postes de responsabilités.
Prisca dans son bureau au diocèse de Bangassou (2017)

Si aujourd’hui nous sommes confrontés à la violence et aux conflits souvent irrationnels, c’est parce que beaucoup de jeunes n’ont pas pu poursuivre les études. Ils se retrouvent facilement comme proies faciles à la manipulation et à l’enrôlement dans des milices. Le phénomène des antibalaka ou autodéfenses illustre bien ce fait. Sans éducation, le pays ne peut prétendre se développer.

L’éducation est très importante dans la vie des êtres humains. Elle est comme la clé du progrès parce qu’elle développe l’homme et la société dans laquelle il évolue. Il n’y a pas de miracle à opérer. Celui ou celle qui veut réussir doit aller à l’école, avoir le courage d’aller de l’avant, être patient car tous ces éléments sont à la base du développement humain et social. Si je n’avais pas été à l’école, je ne devrais pas être à ce niveau aujourd’hui. Si je n’avais pas eu le courage de supporter toutes les souffrances que j’ai endurés loin de mes parents je ne serais pas arrivée au bout de mes rêves. Voila pourquoi l’éducation reste et demeure la clé de la réussite et du développement.   

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